- Éditions Julliard, Paris, 2007.
ISBN : 978-2-260-01708-0
Lu du 8 au 14 décembre 2017
Mon vote :
Dans un premier temps, j’ai pensé
que le roman de Jean Teulé, Le magasin
des suicides, n’était qu’une parodie
de la parodie, une sorte d’interprétation à la française de la famille Adams
américaine, tant l’humour noir, qui est agressivement présent dès les premières
pages, semble parfois facile dans son désir d’épater : l’air compétent
des propriétaires du magasin des suicides,
qui suggèrent à chaque client la meilleure façon de se suicider, leur propre
famille dans laquelle un sourire est motif de panique, les gestes, les paroles
et le comportement qu’ils tiennent absolument à être respectés (par exemple on ne
dit au revoir qu’aux clients qui n’ont pas acheté, pour tous les autres c’est
adieu), le gâteau d’anniversaire en forme de cercueil et la consolation au
lieux des souhaits (« Dis-toi qu’il te reste un an de moins de
vivre »), tout cela semble tomber souvent en caricature avec des grosses
touches, sans beaucoup de finesse.
Pourtant, la facilité n’est souvent
qu’une illusion, et le lecteur découvre, derrière l’air nonchalant de l’histoire,
que les accents sarcastiques de la voix narrative touchent au tragique. Parfois
le tragisme se cache derrière les figures – une personnification qui a oublié d’être
drôle (« Dehors, le cri du tram un doigt pris aux fils électriques et au
fond de la cave tout paraît suicide qui n’ose »), une métaphore qui
faillit être ridicule (« Mishima rabat au-dessus de lui la trappe de la
cave, allume une ampoule pâlotte puis descend l’escalier de vertige où s’abîme
son âme. ») ou une numération des couleurs vives, contrastantes, pour
peindre la mort :
Nous avons de l’acide d’anguille bleue, du poison de grenouille dorée, étoile du soir, fléau des elfes, gelée assommante, horreur grise, huile évanouissante, poison de poisson-chat...
Autrefois c’est l’intertextualité,
soit une phrase célèbre de Camus mise dans la bouche d’une adolescente, un Sisyphe
moderne dont la pierre à porter est devoir sortir de la maison pour voir ses
amis, parce que sa mère lui a interdit d’utiliser son portable :
— Pourquoi veux-tu mourir ? lui demande, assis près de sa mère, le jeune Alan qui dessine de grands soleils sur des feuilles de cahier.— Parce que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, répond la fille d’à peu près l’âge du cadet des Tuvache
Soit des morceaux de l’univers
baudelairien adaptés à ce nouveau paysage dystopique où les avertissements
publiques – les nouvelles fleurs du mal de la civilisation ont pris la place de
la nature :
À la queue leu leu entre les gondoles ils avancent centimètre par centimètre à travers les rayonnages aux forêts de symboles qui les observent avec des regards familiers tête de mort pour les produits toxiques, croix noire sur fond orange pour ce qui est nocif et irritant, un dessin d’éprouvette penchée goutte pour signifier le corrosif, un rond noir d’où partent des traits en étoile indique les explosifs, une flamme symbolise le produit inflammable, un arbre sans feuilles près d’un poisson échoué prévient de la dangerosité pour l’environnement.
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