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Lu du 16 février au 5 avril 2018
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Assise devant son ordinateur, elle est en train d’écrire la critique du livre de Georges Perec, La vie, mode d’emploi. Derrière le document Word ouvert dans une petite fenêtre (c’est une habitude à elle de ne pas occuper tout l’écran avec un document) on peut voir sur le bureau, autour d’une photo qui occupe le centre, une pêle-mêle d‘icônes : fichiers (« documents-travail », « utiles », « personnel », « let-ferm », « fichiers-divers-bibliothèque », « tablette-livres »), un document pdf (« Pablo Neruda, Selected Poems in Translation »), un document Excel (« boites-archivage ») et quatre documents Word (« dictionnaire immobilier », « 355 Georges Perec, La vie mode d’emploi », « 37 John Edward Williams, Augustus »et « 23 Galateanu Engleza » –les chiffres représentant la page où elle est avec la lecture, sauf pour Perec qu’elle vient de finir mais dont elle n’a pas encore enlevé le dernier numéro de page) ; à droite se trouve la barre de tâches du Mac avec plusieurs programmes épinglés (Safari, EasyFind, Adobe Acrobate Pro, Microsoft Excel, Microsoft Word, iTunes); en haut s’étale la barre d’outils de Word (Fichier, Édition, Affichage, Insertion, Format, Police, Outils, Tableau, Fenêtre, Aide). Au centre, comme déjà mentionné, avec le coin droit couvert par la page Word, il y a une photo qu’elle avait prise dans sa ville natale Piatra Neamt, en Roumanie, il y deux ans : au milieu d’un beau trottoir pavé d’un jeu de grandes dalles rouges et de petites dalles jaunes, en tout premier plan, coupant l’image en deux et trahissant ainsi une profonde insouciance pour la composition ou tout simplement un manque crasse de talent photographique, se lève un pilier sur lequel sont collées quelques feuillets publicitaires. À gauche, sous une rangée d’arbres qui jettent leurs ombres dans la rue, un jeune homme vêtu d’une paire de bluejeans courts et d’un t-shirt gris qui se moule sur un ventre un peu trop rond vient de monter sur le trottoir tandis que, plus loin un couple traverse la rue dans l’autre direction. Le fond est occupé par quelques voitures parquées (rouge, noir, blanche – trop loin pourtant pour distinguer la marque) et par un grand immeuble ensoleillé (l’hôtel Ceahlaul, pour les connaisseurs). A droite, des gens se promènent à l’ombre d’un bâtiment ayant de petits magasins et d’autres institutions au rez-de-chaussée (on peut deviner une pharmacie au coin de la rue grâce à deux croix vertes, tout ce qui reste de son enseigne couvert par l’infortuné pilier et on distingue aussi l’enseigne – en roumain, mais facile à comprendre – d’un cabinet de gynécologie – « ginecologie » et analyses médicales – « analize medicale »). Un homme tenant par la main une petite fille en robe rouge s’éloigne de l’objectif, tandis qu’un jeune homme avec un t-shirt bleu sur lequel il est écrit quelque chose d’indistinct approche. Enfin, au premier plan et faisant concurrence au pilier, sa famille, toute souriante : père en chemise beige aux manches courtes, pantalon long noir et souliers beiges, fille en robe bleu marine avec un imprimé blanc, sandales beiges, sac-à-main en bandoulière et cheveux longs en dégradé, mère vêtue d’une blouse bleu foncé, pantalon noir et sandales beiges et sœur un peu en arrière, blouse blanche, pantalon bleu marine et sandales – évidemment beiges.