– traduit du russe
par Michel Aucouturier, Louis Martinez, Jacqueline de Proyart, et Hélène
Zamoyska; Édition du Club France Loisirs, 1995
Lu du 30 mai au 10 juillet 2015
Mon vote :
Toute sa vie, il avait rêvé d’une originalité
estompée et mise en sourdine, invisible au premier abord, dissimulée sous le
voile d’une forme courante et familière. Toute sa vie il s’était efforcé
d’élaborer ce style direct et sans prétention qui permet au lecteur et à
l’auditeur d’accéder au contenu sans même remarquer comment il s’en rend
maître. Toute sa vie, il avait eu le souci d’un style qui n’attire l’attention
de personne, et il était effaré de voir combien il était encore loin de cet
idéal.
Cette citation, tout en résumant le massif roman de
Boris Pasternak, Le docteur Jivago,
révèle, à la fois, son meilleur et son pire trait : l’uniformité. La
teneur équilibrée, le ton égal et détaché, qui ferait des merveilles dans une
nouvelle, finit par étouffer vers la fin des 700 pages, comme le voyage interminable
sur une rivière qui n’a pas de méandres, qui n’a pas d’obstacles et qui
poursuit son chemin à travers une plaine plane, monotone et infinie.
Pourtant, les évènements décrits n’ont rien d’ordinaire,
au contraire, font partie d’une des périodes de plus contradictoires de
l’histoire, et avec des conséquences de plus dramatiques pour l’humanité :
l’instauration du communisme en Russie. Mais, dans mon opinion, en forçant
l’objectivité, l’auteur finit par lui enlever aussi le tragisme que le
grotesque, même quand il raconte les évènements les plus tragiques, les plus
grotesques. Il reste toujours l’image de la page imprimée devant nous, la
lourdeur du volume entre nos mains, le sentiment gênant que ce qui s’est passé
ne nous regarde pas vraiment.